La résiliation du bail commercial est synonyme de rupture du bail en cours pour l’avenir. Elle peut s’opérer sous diverses formes.
La résiliation peut intervenir par le biais d’un congé prévu par la loi à l’initiative du bailleur et du locataire (I). Elle peut également se manifester à l’amiable avant le terme initial du bail commercial (II) ou intervenir par l’acquisition d’une clause résolutoire (III).
Face à cette situation, il est important d’évoquer dans ce dossier le sort du bail commercial en cas d’ouverture d’une procédure collective (IV).
Résiliation à l’issue d’une période triennale
Le locataire peut donner congé au bailleur tous les 3 ans en donnant son préavis 6 mois à l’avance par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par acte extrajudiciaire sans avoir à justifier sa décision.
Si le préavis n’est pas respecté, la nullité du congé n’est pas encourue mais ce dernier produira ses effets en fin de période triennale suivante.
En principe, il n’est pas possible de déroger à la faculté de résiliation triennale en prévoyant une période de résiliation plus courte ou plus longue (un bail ferme de 6 ou 9 ans par exemple), sauf pour les baux conclus pour une durée supérieure à neuf ans, les baux de locaux monovalents (construits ou aménagés en vue d’une seule utilisation), les baux de locaux à usage exclusif de bureaux ou de locaux de stockage (article L.145-5 alinéa 2 du Code de commerce).
La résiliation par le locataire devra intervenir dans les formes et délais prévus à l’article L145-9 du code de commerce. Le bailleur pourra convenir avec le preneur d’une indemnité en cas de congé. En pratique, l’indemnité ne devra pas être dissuasive afin de ne pas priver le preneur de son droit de donner congé.
Résiliation en cas de manquement du bailleur à ses obligations
Le locataire a la faculté de résilier le bail lorsque le bailleur a manqué à l’une de ses obligations contractuelles. En pratique, une clause résolutoire est généralement insérée dans les baux commerciaux prévoyant la résiliation de plein droit du bail commercial en cas de manquement. Ce régime est d’ordre public et la clause résolutoire est régie par les dispositions de l’article L. 145-41 du code de commerce.
Résiliation postérieurement au terme du bail
Au cours de la tacite prolongation du bail commercial, le locataire peut délivrer un congé au moins 6 mois avant le dernier jour du trimestre civil (soit en l’absence de congé lors de l’échéance de la période triennale, soit en l’absence de renouvellement). Dans ce cas, le locataire n’a droit à aucune indemnité.
Résiliation en cas de départ à la retraite ou d’invalidité du locataire
L’article L. 145-4, alinéa 4, du Code de commerce prévoit que le preneur ayant demandé à bénéficier de ses droits à la retraite du régime social auquel il est affilié ou ayant été admis au bénéfice d’une pension d’invalidité attribuée dans le cadre de ce régime social a la faculté de donner congé dans les formes et délais prévus au deuxième alinéa dudit article.
Résiliation à l’issue du terme du contrat de bail
Le bailleur a la faculté de donner congé à l’expiration d’une période triennale afin de construire, de reconstruire ou de surélever l'immeuble existant, de réaffecter le local d'habitation accessoire à cet usage, de transformer à usage principal d'habitation un immeuble existant par reconstruction, rénovation ou réhabilitation ou d'exécuter des travaux prescrits ou autorisés dans le cadre d'une opération de restauration immobilière et en cas de démolition de l'immeuble dans le cadre d'un projet de renouvellement urbain.
A l’issue de la période triennale, il peut également donner congé même s’il a délivré auparavant de la période d’expiration du bail, un précédent congé avec refus de renouvellement et offre d’une indemnité d’éviction (Cass.3e civ. 20-12-1995).
Résiliation postérieurement au terme du bail
Comme pour la résiliation à l’initiative du preneur, le bailleur a aussi la faculté de délivrer un congé au moins 6 mois avant le dernier jour d’un trimestre civil, lorsque le bail a été tacitement reconduit (soit en l’absence de congé lors de l’échéance de la période triennale, soit en l’absence de renouvellement).
Résiliation en cas de manquement du locataire à ses obligations
Le bailleur peut résilier le bail dans le cas où le locataire manquerait à l’une de ses obligations (le respect de la destination ou encore le paiement du loyer par exemple). Une clause résolutoire devra nécessairement avoir été prévue par les parties. Cette clause ne produira effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le preneur ne pourra prétendre à une indemnité d’éviction en cas de résiliation pour ce motif.
La résiliation amiable consiste à mettre fin au bail commercial avant la date initialement prévue. Cette résiliation fera l’objet d’une convention envisageant sa date d’effet, ses modalités et ses conséquences.
Principe de la résiliation amiable
Les dispositions relatives au statut des baux commerciaux ne s’opposent pas à une résiliation amiable du bail. Tout bail commercial assujetti ou non au statut peut donc faire l’objet d’une résiliation amiable par anticipation.
Conditions de mise en œuvre de la résiliation amiable
La résiliation amiable n’est soumise à aucun formalisme. De ce fait, il est recommandé que la convention constatant l’accord soit rédigée par écrit, de manière que la volonté des parties soit certaine et non équivoque (Cass. civ. 3ème, 23 mars 2011, n° 10-10.226).
Cas d’une résiliation amiable subordonnée à la signature d’un nouveau bail commercial :
Les parties peuvent convenir d’une résiliation anticipée du bail en cours à la condition de conclure postérieurement à celui-ci un nouveau bail avec le successeur du locataire actuel. Le bailleur est en droit de modifier les conditions de la nouvelle convention en vue de ses futures relations contractuelles avec le successeur présenté par le locataire.
Effets de la résiliation amiable
La convention constatant la résiliation amiable du bail devra être conclue de bonne foi. De ce fait, le preneur qui refuserait de libérer les locaux dans les délais prévus conventionnellement pourra être poursuivi.
Il est possible que les parties aient convenu de procéder à cette résiliation amiable en contrepartie d’indemnités ; étant précisé que les dispositions du statut des baux commerciaux relatives aux modalités de paiement de l’indemnité d’éviction ne trouvent pas à s’appliquer au paiement de l’indemnité découlant de la résiliation amiable d’un bail commercial.
Plusieurs formalités devront être effectuées, à savoir l’enregistrement de l’acte de résiliation anticipée au service des impôts aux entreprises compétent et la notification aux créanciers inscrits. Ceux-ci disposeront d’un délai d’un mois pour se manifester.
Visée à l’article L. 145-41 du Code de commerce, la clause résolutoire du bail commercial est un mécanisme contractuel qui permet au bailleur de faire cesser de plein droit les effets du bail en cas de manquement du locataire à l’une de ses obligations, sous réserve toutefois que cette obligation soit expressément visée dans la clause.
Champ d’application
La clause résolutoire s’applique aux baux soumis au statut des baux commerciaux. Elle est applicable quel que soit le motif.
Néanmoins, les parties peuvent prévoir une extension conventionnelle entraînant l’application du statut des baux commerciaux à un contrat de bail qui n’en relève pas initialement.
Conditions de mise en œuvre de la clause résolutoire
L’article L. 145-41, alinéa 1er, du Code de commerce prévoit que « toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement de payer demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai. » D’une façon générale, la mise en œuvre de la clause résolutoire implique :
Conditions de fond
Deux conditions de fond doivent être réunies pour permettre l’application de la clause résolutoire.
Premièrement, la clause résolutoire doit expressément mentionner dans le contrat de bail les manquements qui justifieront la mise en œuvre de la clause résolutoire.
Par exemple, si la clause résolutoire vise uniquement le non-paiement du loyer comme motif de mise en œuvre, il en découle que le non-règlement des charges locatives par le locataire ne saurait justifier l’application de ladite clause. Il convient par conséquent d’être très précis dans la rédaction des manquements justifiant l’application de la clause.
Deuxièmement, la clause résolutoire doit être invoqué par un bailleur de bonne foi sous peine de se voir refuser l’application de la clause.
Conditions de forme
La mise en œuvre d’une clause résolutoire exige que le bailleur ait préalablement délivré au locataire un commandement de payer/ commandement de faire afin de lui faire connaître les manquements contractuels reprochés. Selon la jurisprudence, le commandement doit impérativement mentionner :
- le délai d’un mois dont dispose le locataire pour remédier au manquement contractuel reproché ;
- et la clause contractuelle qui n’est pas respectée par le locataire.
Le commandement prévu à l’article L. 145-41 du Code de commerce doit nécessairement prendre la forme d’un acte d’huissier de justice. Il ne peut donc pas par exemple prendre la forme d’une simple mise en demeure ou être adressé par une lettre recommandée.
Procédure de la mise en œuvre de la clause résolutoire
Une fois que les conditions de fond et de forme sont respectées, le bailleur peut alors solliciter la résiliation du bail commercial en assignant le locataire afin d’obtenir l’acquisition de la clause résolutoire. Cette procédure peut être réalisée via une assignation au fond ou en référé, tout dépendra des faits du dossier et de la rédaction de la clause.
Si le bailleur assigne le preneur devant le juge des référés en vue de faire constater la clause résolutoire, le preneur pourra éventuellement soulever une contestation sérieuse pour s’opposer à la recevabilité des demandes. En contrepartie, le juge des référés pourra se déclarer incompétent en cas de contestation sérieuse sur le manquement invoqué.
Dans cette situation, le locataire qui n’aurait pas agi dans les délais impartis pour se libérer de ses obligations ou dont l’expulsion aurait été prononcée par l’ordonnance de référé ayant constaté l’acquisition de la clause, ne peut demander au juge de l’exécution un délai supplémentaire pour libérer les locaux commerciaux.
Le juge de l’exécution n’a de fait pas le pouvoir de suspendre une clause résolutoire définitivement acquise en raison de l’incapacité du locataire à faire face aux délais qui lui étaient imposés dans le cadre de la suspension des effets de la clause résolutoire par le juge des référés.
Suspension judiciaire de la clause résolutoire : mécanisme protecteur du preneur
L’article L. 145-41, alinéa 2, du Code de commerce autorise le juge, sous certaines conditions, à accorder des délais au preneur, et à suspendre les effets de la clause résolutoire.
Selon l’alinéa susvisé « Les juges saisis d’une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l’article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l’autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge. »
Les effets de la clause résolutoire
À partir de la date d’acquisition de la clause résolutoire, le bail est résilié, le locataire peut être expulsé et n’est plus tenu au paiement de loyers mais il demeure redevable le cas échéant, d’une indemnité d’occupation. Une seconde résiliation pour défaut de paiement de loyers ne peut donc pas être constatée (Cass. 3e civ. 29-09-2010 n° 09-13.922).
Conformément aux articles L.611-1 et suivants du Code de commerce, le locataire d’un bail commercial rencontrant des difficultés peut faire l’objet d’une procédure collective.
Dans le cas où le locataire ne serait pas en état de cessation des paiements, mais rencontrerait des difficultés qu’il ne serait pas en mesure de surmonter, il lui est possible de demander l’ouverture d’une procédure de sauvegarde.
En outre, s’il est en état de cessation des paiements, il pourra être confronté à l’ouverture d’un redressement judiciaire ou, si celui-ci est impossible, en liquidation judiciaire.
Les cas de poursuite et de résiliation du bail commercial
Continuation de droit du bail à l’ouverture d’une procédure collective
Il est rappelé à l’article L. 145-45 du Code de commerce que l’ouverture d’une procédure collective n’entraîne pas de plein droit la résiliation du contrat de bail en cours. Le locataire peut donc poursuivre son activité et, dans le cas où il ne pourrait la poursuivre en raison d’une telle procédure, le bailleur n’est pas fondé à en demander la résiliation aux torts du preneur.
Toute clause contraire insérée dans le bail sera réputée non-écrite. En matière de sauvegarde ou de redressement judiciaire du preneur, l’administrateur judiciaire est exclusivement compétent pour décider de la poursuite ou non du bail commercial.
Néanmoins, si aucun administrateur n’est désigné, le locataire est tenu d’en faire la demande par LRAR, après avis conforme du mandataire judiciaire, ou, à défaut sur autorisation du juge commissaire.
Par ailleurs, en matière de liquidation judiciaire, le liquidateur judiciaire a compétence exclusive pour prononcer la poursuite du bail commercial.
La résiliation du bail commercial au cours de la sauvegarde, du redressement ou de la liquidation judiciaire
Bien que la poursuite du bail soit de plein droit à l’ouverture d’une procédure collective visant le locataire, le bailleur, l’administrateur ou le liquidateur judiciaire peuvent en demander la résiliation.
La résiliation demandée par l’administrateur ou le liquidateur
L’administrateur ou le liquidateur judiciaire a la faculté de prononcer la résiliation anticipée du bail commercial sans justifier de motifs.
La résiliation du bail commercial prend effet le jour où le bailleur est informé de la décision de l’administrateur ou du liquidateur judiciaire de résilier le bail.
La résiliation demandée par le bailleur
En cas de non-paiement des loyers et charges postérieurs par l’administrateur judiciaire ou le liquidateur judiciaire après la procédure collective, le bailleur peut demander la résiliation du bail commercial soit par le biais d’une résolution judiciaire, soit par l’acquisition de la clause résolutoire de plein droit.
Pour ce faire, il doit agir dans un délai de trois mois à compter du jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde ou de redressement ou de la publication du jugement d’ouverture en cas de liquidation judiciaire.
En outre, la résolution de plein droit pour non-paiement des loyers et charges postérieurs après l’ouverture de la procédure collective ne pourra produire effet qu’un mois après un commandement de payer demeuré infructueux.
Cependant, l’administrateur ou le liquidateur judiciaire peut solliciter auprès du juge des délais de paiement ainsi que la suspension et la réalisation des effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l’autorité de la force jugée.
La cession ou modification de l’activité
Cession partielle ou totale
À l’issue du jugement d’ouverture de la procédure collective, le juge peut ordonner la cessation partielle de l’activité. Lors de l’établissement d’un plan de sauvegarde, il est possible de prévoir la cession d’une ou de plusieurs activités. En revanche au moment de la procédure de redressement judiciaire, il est possible d’aboutir à la cession totale ou partielle de l’entreprise.
Le plan du candidat repreneur doit avoir pour objectif, le maintien de l’activité, le maintien des emplois et l’apurement du passif.
Le contenu de l’offre doit par ailleurs comprendre l’ensemble des indications prévues par l’article L642-2 du Code de commerce et des garanties de paiement (chèque de banque ou garantie à première demande sans condition). L’offre du repreneur doit comporter la liste des contrats inclus dans cette offre.
Ajout d’une ou de plusieurs nouvelles activités
Dans certains cas, le tribunal pourra autoriser le cessionnaire à ajouter à l’activité prévue au bail des activités connexes ou complémentaires. Il s’agit du mécanisme dit de « cession-déspécialisation » prévu par l’article L.642-7 du Code de commerce.
Les créances du bailleur
L’ouverture d’une procédure collective impose aux créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d’ouverture de déclarer leur créance, dans un délai de 2 mois à compter de la publication du jugement d’ouverture au BODACC, au mandataire ou au liquidateur judiciaire.
La déclaration doit indiquer :
Dans le cas où la déclaration ne serait pas effectuée dans les délais, la créance ne sera pas éteinte mais le créancier en question ne pourra s’en prévaloir au cours de cette procédure collective. Il lui restera la possibilité d’engager devant le juge-commissaire, une action en relevé de forclusion.
Le paiement des loyers
Loyers antérieurs au jugement d’ouverture
Le bailleur détient un privilège pour les deux dernières années de loyers avant le jugement d’ouverture de la procédure. L’article 2332 du Code civil disposant à ce titre que le privilège porte sur le prix de tous les meubles garnissant les lieux loués.
Sort du bail après le jugement d’ouverture
Bail résilié après le jugement d’ouverture
Dans le cas où le bail serait résilié après le jugement d’ouverture, le bailleur dispose d’un privilège pour l’année en cours, pour tout ce qui concerne l’exécution du bail et pour les dommages et intérêts afférents.
Bail continué après le jugement d’ouverture
Les loyers postérieurs au jugement d’ouverture sont, en principe, payés à leur échéance. Toutefois, l’administrateur ou le liquidateur peut obtenir des délais de paiement devant le juge. Si les loyers ne sont pas payés au terme convenu, ils bénéficieront d’un rang privilégié par rapport à d’autres créances ; ils seront payés après les salaires et les frais de justice.